La République française finira-t-elle ?
Emmanuel Macron va affronter un second quinquennat très difficile. Le règne solitaire de son parti quasi unipersonnel, La République en marche (qui sera rebaptisé Renaissance), a pris fin hier. À l’avenir, tout sera très différent. Bien sûr, entre les deux tours – le premier qui s’est déroulé le 12 juin et le second le 19 juin – des choses différentes peuvent se produire, dans un scénario politique toujours très dépendant des perceptions locales, où la liberté des électeurs n’est pas déterminée par l’avis des chefs de parti. Le vote utile ou la « logique républicaine » peut ou non fonctionner lors de ce vote à venir.
Il n’est pas encore définitivement exclu que, seuls les deux groupes étant alliés au sein du front électoral d’Ensemble, il obtienne la majorité absolue au parlement. Cependant, c’est le scénario le moins probable. Mais même si cela arrivait, ce serait toujours une petite différence, alors le poids des deux partenaires, Horizonts (par Edouard Philippe, son premier premier ministre, un nom à retenir pour l’après Macron) et MoDem (par François Bayrou, un « vieux renard » du centrisme de droite) se soulèverait inévitablement et forcerait probablement une autre refonte du gouvernement.
S’il n’obtient pas la majorité absolue, ce qui est la perspective la plus plausible, le président devra payer un prix encore plus élevé (et pour le moment inimaginable) pour obtenir de son gouvernement le soutien parlementaire des Républicains. Cette droite classique ne pardonnera jamais à Macron d’avoir été l’une des raisons de son refus (l’autre raison étant la « normalisation » de Marine Le Pen). Et pour cela, il facturera un prix très élevé pour le soutenir, même s’il est critique.
Les mains liées au Parlement, les cinq prochaines années d’Emmanuel Macron s’annoncent comme un calvaire, en termes de conditions politiques, pour mettre en œuvre certaines des réformes qui nécessiteront la survie du système. De plus, la « rue » promet de ne pas ralentir : les « gilets jaunes » pourraient revenir, car la dégradation économique de la classe moyenne sera accélérée par les effets de l’inflation, la hausse des taux d’intérêt et du carburant, et les forces syndicales ont déjà promis de lever le fer et de licencier l’immense secteur public. Et beaucoup ramèneront l’incertitude, les frontières, l’incertitude, la hausse du coût général de la vie, le salaire minimum, l’âge de la retraite, etc.
Jean-Luc Mélenchon, la galerie de la gauche, ne pourra pas devenir Premier ministre. Mais force est de reconnaître qu’il a su gérer le mécontentement de ces « enragés » qui ne veulent rien avoir à faire avec l’extrême droite. Ainsi parvient-elle, peut-être ponctuellement, à fédérer toute la gauche concernée, sous le sigle NUPES (Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale), en vue de ces élections législatives. Il y a la France Insoumise, celle de Mélenchon, les écologistes, les socialistes et les communistes. Mais dans cette NUPES il y a aussi tout et le contraire : qui est pour le projet européen et qui conteste les règles financières et la supériorité de son droit ; qui accepte l’adhésion à l’OTAN et qui est favorable à ce que la France quitte l’organisation qu’ils considèrent comme une simple arme de l’impérialisme américain ; qui accepte l’énergie nucléaire et qui est contre ; et ainsi de suite.
Surtout, Mélenchon a réussi à obtenir un résultat qui, sans surprise au vu des sondages, représente un bond significatif par rapport à la somme des poids relatifs de ces formations lors des précédentes élections législatives, il y a cinq ans. Cette croissance peut provenir de secteurs qui auraient voté pour le parti de Macron à l’époque, mais qui ont perdu leurs illusions, remportant finalement quelques voix que l’extrême droite avait captées. Mais tout indique que ce sont les électeurs des jeunes générations qui auraient accru ce vote remarquable au NUPES. Les députés que la NUPES remportera, au second tour le 19 juin, constitueront la principale opposition à la future Assemblée nationale, mais il faut garder à l’esprit que la nature des différentes composantes ne garantit pas qu’elles s’y comporteront de manière uniforme. Dans tous les cas, l’Assemblée nationale sera une tribune où la gauche (plus ou moins radicale) sera au pouvoir, comme cela n’a pas été le cas depuis longtemps.
Le Rassemblement national de Marine Le Pen a perdu beaucoup d’électeurs par rapport à celui qu’elle a remporté à la présidentielle. Le résultat est un échec politique manifeste, même si tout porte à croire qu’il pourrait, pour la première fois, disposer d’un groupe parlementaire d’expression raisonnable, dans un système électoral qui, comme nous le savons, ne le soutient pas. En route, avec un résultat très médiocre, Reconquête, propriété de son challenger d’extrême droite, Éric Zemmour. Le chef lui-même n’a pas été élu et la seule réussite du nouveau parti aura été de construire un réseau à dimension nationale, grâce en grande partie à l’exposition médiatique de son chef. Mais pour survivre, il va faire une traversée du désert.
Assez faible a été le résultat des Républicains, parti à vocation traditionnelle pour le pouvoir, d’origine gauliste, qui, malgré le maintien d’une majorité et de la présidence du Sénat, et aussi une forte expression municipale et régionale, présentait une immense difficulté. se concevoir comme une alternative au gouvernement à l’échelle nationale. A dix ans de l’Élysée et d’une majorité à la Chambre des députés, les Républicains, face à la « modération » de Le Pen, sont restés dans un vide politique qui ne tente pas l’électorat. Leurs visages sont encore ceux d’anciens politiques, tous sans exception redevables au temps d’un Sarkozy qui ne compte plus pour son avenir. Le résultat catastrophique de sa candidate à la dernière élection présidentielle, Valérie Pécresse, a marqué un très bas dans l’histoire récente du parti.
La République française finira-t-elle ? Le modèle constitutionnel sur lequel il reposait – un président légitimé par le vote populaire, soutenu par une majorité parlementaire – est plus que jamais en crise. Il est vrai qu’il y avait eu des occasions dans le passé où le pensionnaire de l’Elysée au Palais Bourbon avait des majorités contre lui. Cette opposition s’est cependant faite en termes d’opposition idéologique non radicale, de sorte que la France politique a toujours pu trouver un terrain d’entente institutionnel qui, créant des frictions internes, n’a pas influencé, par exemple, son attitude européenne et internationale. Or vivre ensemble entre Macron et Mélenchon est impensable aujourd’hui. Même Mélenchon lui-même ne doit pas la croire. Dès lors, la question est légitime : qu’en ressort-il ?
Avec plus de la moitié de l’électorat abstenu, avec le parti qui soutient le président, écrasé entre deux radicalismes sans le moindre pont entre eux – ou plutôt, seulement convergeant contre tout ce que Macron représente et présente -, l’avenir de la France s’annonce sur une période inévitablement longue d’instabilité. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour l’Europe.
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