« Je voulais capturer le premier moment de l’autonomisation »

Lauréat du Lion d’or de Venise en 2021, The Event, réalisé par la Libanaise d’origine française Audrey Diwan, est désormais en salles. Basé sur la littérature mémorielle de la romancière Annie Ernaux, le film recrée la France du début des années 1960, lorsque l’avortement était illégal et que les femmes pouvaient se retrouver en prison.

Audrey, écrivaine et scénariste de polars, n’avait réalisé qu’un seul film, Mais vous êtes fous (2019), lorsqu’elle s’est lancée dans les mémoires d’Annie. En 1963, l’étudiante en art Anne (Anamaria Vartolomei) tente d’interrompre une grossesse non désirée, mais est confrontée aux risques de l’illégalité, mettant en danger sa propre santé. Dans l’interview suivante, accordée au EstadãoVia Zoom, le cinéaste de 42 ans livre un regard critique sur la société européenne qui a condamné le geste d’Ernaux sans comprendre son ressenti.

Que proposait le livre comme cartographie affective de la France des années 1960 ?

Le récit littéraire d’Annie ne se reflète pas dans des rubriques intellectuelles à tonalité politique sur l’avortement. Elle le fait en s’ouvrant et en partageant avec nous son parcours personnel, avec le courage de parler du désir, du flirt qui mène au sexe et de la solitude inhérente à l’impuissance d’un État qui juge mais n’aide pas. Il y a soixante ans, l’absence de perspective humaniste dans la législation sur l’avortement, c’est-à-dire sur le corps féminin, désespérait de nombreuses jeunes femmes. L’universalité du film que j’ai construit en lisant les pages d’O Acontecimento n’est pas dans l’avortement lui-même, mais dans toute la trajectoire de quelqu’un qui partage ses sentiments avec nous. La séquence du hurlement de douleur d’Anamaria Vartolomei n’est pas une synthèse. C’est plus une expérience. Une expérience cruelle.

Comment le film, datant de la Nouvelle Vague, entre-t-il en dialogue avec la tradition cinématographique de votre pays ?

Pour ceux qui vivent en France, la Nouvelle Vague n’est pas un phénomène national, mais un événement intellectuel à Paris qui a retenti dans le monde entier, mais n’a pas touché tout notre pays au niveau prolétarien. Ce qui m’intéressait le plus ici, c’était de dépeindre le premier moment d’autonomisation discursive d’une jeunesse dans laquelle les femmes avaient une voix active.

Sandrine et Anamaria mère et fille vivent une relation de sourires, de petits gestes, dans laquelle elles s’amusent ensemble. Comment est le dessin de grossesse que tu as fait ?

C’est un dessin plein de conflits sociaux tant il y a un abîme en termes de formation intellectuelle entre les deux puisque le personnage d’Anamaria a eu la chance d’étudier et d’aller à l’université dans une métropole. Pas ta mère. Il y a donc dans la figure du protagoniste une culpabilité sociale qui naît du sentiment de ne pas trahir la mère, en rompant avec ses attentes. La mère s’attendait à ce que sa fille gagne socialement. La grossesse et l’avortement illégal peuvent nuire à sa carrière universitaire, dit-elle.

Son rapport au cinéma commence par un cheminement dans la parole, en tant que scénariste. Comment cette expérience a-t-elle construit votre formation de cinéaste ?

Je ne m’attendais pas à débuter une carrière de réalisateur. L’idée était de continuer à écrire. J’ai commencé à réaliser par nécessité, pour rendre viables les projets. J’ai l’impression que de par mon expérience de scénariste, j’ai appris à apprécier le silence plus que les mots. Sans bruit, les personnages entament un monologue intérieur dans lequel ils se comprennent mieux et où l’on peut mieux les comprendre.

L’information vient du journal. L’état de São Paulo.

Louvel Lucas

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