- Daniela Fernandes
- De Paris à BBC Brésil
La réforme de l’impôt sur la fortune en France – qui ne sera plus payée par plus de la moitié des contribuables millionnaires – a relancé le débat dans le pays sur l’opportunité de taxer les plus riches comme moyen de lutter contre les inégalités.
La France est l’un des rares pays au monde à imposer cet impôt au sens large : l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) s’applique aux placements financiers, aux voitures, aux meubles et autres biens de luxe, comme les yachts par exemple.
Plusieurs pays, comme la Suède, le Danemark ou l’Allemagne, également connus pour leurs systèmes sociaux protecteurs, ont déjà supprimé les impôts sur les grandes fortunes.
L’argument est que la taxe a encouragé l’exil fiscal et réduit le potentiel entrepreneurial des citoyens.
Au Brésil, l’impôt sur la grande fortune (IGF) est inscrit dans la constitution fédérale, mais n’a jamais été réglementé.
En France, cet impôt a été introduit en 1982 par le président socialiste François Mitterrand (à l’époque appelé Impôt sur les Grandes Fortunes) pour financer les prestations sociales d’un revenu minimum et suscite la controverse depuis des décennies.
Les gouvernements de droite conservatrice ont tenté de supprimer ou de modifier cette situation, mais ces changements ont toujours été annulés lorsque les socialistes de gauche sont revenus au pouvoir.
L’ISF – financé par 1 % des contribuables et représentant environ 1,5 % des recettes fiscales de l’État français – a un poids politique important car il est considéré par la grande majorité de la population comme un symbole de justice sociale.
Par conséquent, le nom comporte le mot « solidarité » associé à « fortune ». L’objectif est de redistribuer l’argent des plus riches, à travers de nombreuses prestations sociales, vers les personnes aux faibles revenus.
Mais les controverses sur l’efficacité réelle de cette taxe sont nombreuses, qui ont refait surface en France avec la réforme proposée par le président Emmanuel Macron.
Cette question sera discutée au Parlement mardi.
Commentaires
Pour les opposants à l’ISF, il s’agit d’un impôt confiscatoire qui pousse les riches à quitter le pays, comme ce fut le cas pour l’acteur Gérard Dépardieu, qui a déménagé sa résidence fiscale en Belgique.
L’exil fiscal des millionnaires – des milliers de personnes ont quitté la France ces dernières années, selon les autorités – est l’un des principaux arguments avancés par le gouvernement pour modifier les règles actuelles de l’ISF.
« Ceux qui ne paient plus l’ISF ont également cessé de payer l’impôt sur le revenu en France, provoquant un appauvrissement des ressources budgétaires et donc du pays », a déclaré le Premier ministre Édouard Philippe.
Contrairement au Brésil, où des études récentes comme celle d’Oxfam ont souligné des impôts bas pour les couches les plus riches, le système français épargne ceux qui gagnent moins : plus de la moitié des contribuables n’ont payé aucun impôt sur le revenu l’année dernière, a indiqué le ministère de l’Économie. .
Les quelque 10 % ayant un revenu annuel supérieur à 50 000 € (près de 200 000 R$) représentaient 70 % de la collecte totale de l’impôt sur le revenu du pays.
Le gouvernement français souligne également que le pays souffre de la concurrence d’autres pays européens, considérés par les millionnaires comme des lieux plus attractifs pour s’installer et créer des entreprises, en raison de l’impôt sur la fortune.
D’autres problèmes sont mis en évidence en ce qui concerne l’efficacité du FSI. Les exonérations, les réductions et la décision du Conseil constitutionnel français selon laquelle le total des impôts payés ne peut excéder 75 % des revenus gagnés cette année-là pourraient permettre aux ultra-riches d’échapper à l’ISF.
C’est ce qui est arrivé à la milliardaire Liliane Bettancourt, héritière de L’Oréal, qui était la femme la plus riche du monde, décédée en septembre.
L’année dernière, la nouvelle selon laquelle elle n’avait pas versé un centime aux FSI a choqué le pays.
Parce que la milliardaire avait déjà payé plus de 60 millions d’euros (226 millions de R$) d’impôts sur le revenu et de cotisations de sécurité sociale, soit le plafond de 75 % de ses revenus de l’année, obtenus grâce à des montages financiers sophistiqués, Bettancourt a été exonérée de l’ISF. .
Les critiques affirment également que la France applique déjà un impôt sur la fortune élevé, appliqué aux transmissions de successions, avec des taux allant jusqu’à 60 % de la valeur marchande du bien.
« L’ISF est une taxe stupide. La France se tire une balle dans le pied en affaiblissant son économie au nom d’une idéologie dépassée », a déclaré l’avocat fiscaliste Jean-Philippe Delsol, président de l’Institut de recherche économique et fiscale, de tendance libérale.
Pour l’économiste Thomas Piketty, auteur du best-seller Le Capital au 21e siècle, qui décrit le capitalisme comme une machine à fabriquer des inégalités, l’affirmation selon laquelle le FSI nuit à la vitalité économique du pays est fausse.
Selon Piketty, les jeunes qui ne cotisent pas à l’ISF ont tendance à participer davantage à la création d’entreprises et aux tendances d’innovation dans le monde des affaires que de nombreux octogénaires qui, dit-il, font partie des contribuables.
« La suppression des FSI est une grave erreur morale, économique et historique », a déclaré Piketty dans une chronique du journal. Le Monde.
En pratique, la réforme de l’ISF présentée par le président Macron vise à taxer uniquement les biens immobiliers, avec l’instauration d’une « taxe foncière », excluant de l’assiette de calcul les placements financiers et tous autres biens meubles.
Macron affirme que la réforme de l’ISF permettra d’investir davantage dans les entreprises, ce qui stimulera l’emploi et la croissance économique.
Cependant, selon les experts, rien ne garantit que les nouveaux contribuables exemptés de l’ISF investiront réellement ces fonds dans l’économie productive.
« Président des riches »
L’ISF est payé par les personnes disposant d’actifs de plus de 1,3 million d’euros (4,9 millions de R$). Celui-ci s’ajoute à l’impôt sur le revenu (IR).
La réforme réduira le nombre de cotisants à l’ISF (les 1%) les plus riches de 350 000 à 150 000, selon le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire.
La collecte de cet impôt, d’environ 5 milliards d’euros (près de 20 milliards de reais), connaîtra une baisse brutale, tombant à 850 millions d’euros.
En raison de la controverse majeure en France sur la réforme du FSI, Macron a été surnommé le « président des riches ».
« Les plus riches, les grands gagnants du budget Macron », titre le journal Le Monde, amplifiant les propos qui circulent dans le pays.
La réforme de l’ISF fait suite à un assouplissement tout aussi controversé du droit du travail et à une série de mesures impopulaires, telles que la réduction des allocations de logement et le gel des salaires des fonctionnaires.
Le centriste Macron, dont la popularité a chuté quelques mois seulement après son entrée en fonction et dont la devise est « libérer mais protéger », a été critiqué par ses opposants pour avoir appliqué jusqu’à présent uniquement des mesures libérales typiques de la droite conservatrice.
« Twitter Practitioner. Alcohol Nerd. Music Enthusiast. Travel Expert. Troublemaker. Certified Creator. »