Grenoble, dans le sud-est de la France, a été élue capitale verte de l’Europe cette année. Depuis 2006, le titre est décerné par la Commission européenne aux communes de plus de 100 000 habitants qui se distinguent en promouvant des actions ambitieuses en faveur de l’environnement. Ce n’est pas nouveau que cette ville d’un peu plus de 160 000 habitants ait la réputation d’être soucieuse de l’environnement. Mais qu’est-ce qui en fait la ville la plus verte d’Europe ? RFI s’y est rendu pour le savoir.
Quand on arrive à Grenoble, le dépaysement par rapport aux autres villes françaises est impressionnant. Située au pied des Alpes, la commune est entourée de montagnes luxuriantes qui semblent dicter le rythme de vie de ses habitants. Ici, maîtriser le ski est presque une obligation et un programme incontournable en hiver. En été, le passe-temps favori de la population est la randonnée et d’autres sports liés à la montagne, comme l’escalade.
Cette relation intime des « Grenoblois » avec la nature les rend sensibles et génère un engagement fort pour l’environnement, également au niveau politique. Traditionnellement progressiste, la ville est gouvernée par des représentants qui donnent la priorité à la défense de l’environnement. Depuis 2014, Grenoble est dirigée par Éric Piolle, du parti Europa Ecologia Os Verdes, qui se décrit comme un « radical et pragmatique », « écologiste et humaniste ».
En fait, la ville a été le théâtre de mesures environnementales pionnières pendant des décennies. Depuis l’époque du maire socialiste Michel Destot (2005-2014), la politique municipale de transition écologique a conduit à une réduction de 30 % des gaz polluants. Grenoble a été la première grande ville à limiter la vitesse des véhicules à 30 km/h, ce qui en fait la plus grande zone à faibles émissions de CO2 de France en 2019.
A la campagne, les Grenoblois sont aussi ceux qui utilisent le plus le vélo pour se rendre au travail. Ce n’est pas un hasard si la ville compte 475 kilomètres de pistes cyclables, dont 25 kilomètres sur des autoroutes, permettant aux habitants de se déplacer entre les villes sur deux roues.
18 villes concouraient pour le titre de capitale verte
Le franco-brésilien Guillaume Thieriot, directeur de l’agence Grenoble Capital Verde da Europa, a expliqué à RFIA que 18 villes se disputaient le titre de capitale verte. Pour participer à la sélection, ils doivent tous répondre à des critères précis au sein de 12 thèmes, tels que la mobilité, l’énergie verte, la gestion des déchets, la qualité de l’air et de l’eau, entre autres.
Grenoble a réussi quelque chose d’exceptionnel puisqu’elle a été retenue dès sa première candidature. A l’exception de Stockholm qui a été choisie première, toutes les villes qui étaient capitales vertes européennes ont essayé avant Grenoble deux, trois, quatre fois avant d’être retenue. Grenoble est arrivée première soit la deuxième place dans 11 des 12 indicateurs analysés par les équipes d’évaluation », souligne-t-il.
Pour lui, cela souligne les progrès de la ville et son travail de pionnier sur les questions environnementales. « Il y a des décennies de nombreuses actions dans le domaine des énergies renouvelables, des transports en commun, avec, par exemple, les tramways électriques qui sont un exemple pour toute l’Europe et les plus de 400 kilomètres de piste cyclable, même sur les autoroutes. Alors, ce style de caractère avant-gardiste que possède Grenoble depuis longtemps a permis d’obtenir ce titre du premier coup », souligne-t-il.
Le maire Éric Piolle ne cache pas sa satisfaction face au titre et note les progrès réalisés dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre et dans des domaines tels que l’alimentation, la mobilité, le logement, les questions énergétiques et la conservation de la biodiversité. Cependant, selon lui, il y a « de nombreux pas en avant » pour que la ville atteigne ses objectifs.
« Aujourd’hui, nous proposons deux repas végétariens dans les cantines scolaires publiques, mais à partir de septembre, nous lancerons une alternative végétarienne tous les jours. Et maintenant, nous fermons les rues aux écoles. Nous essayons également de créer des espaces plus verts pour nous adapter au changement climatique et nous rafraîchir ». la ville », souligne-t-il.
Le maire rappelle que la France connaît actuellement en moyenne trois jours de chaleur intense par an. « D’ici 2050, il y en aura 46 », dit-il, soulignant qu’il faut se préparer à une situation que de nombreux scientifiques considèrent déjà comme irréversible.
Les habitants sont divisés : ‘c’est un paradoxe’
Pourtant, pour certains de ses habitants, Grenoble ne mérite pas le titre de capitale verte. C’est le cas d’Emmanuel, étudiant en informatique, qui dit ne pas avoir l’impression de vivre dans « une ville écologique ».
« Les rues sont bordées d’arbres et il y a beaucoup de montagnes, mais je ne les vois pas impliquées dans le comportement des gens. J’ai connu des villes qui méritent vraiment d’être qualifiées d’écologiques, comme Angers, dans le nord-est de la France. à Grenoble où il y a beaucoup de saleté dans les rues et qui mériterait plus d’attention de la part des autorités », note-t-il.
Loïc, ingénieur en technologies vertes, se plaint de la pollution qui s’accumule entre les montagnes et le grand nombre de voitures circulant en ville. « C’est un paradoxe. En fait, ce titre de ‘capitale verte’ est plus un souhait qu’une réalité. C’est comme ça que je le vois. Par rapport à Paris, on peut bien sûr dire que Grenoble est plus verte. Une ville de près de 200 mille habitants.. Il y a plus d’endroits écologiques en France », note-t-il.
A vélo, le chercheur Pierre se dit satisfait de l’administration de Piolle. « Plusieurs mesures ont été prises pour réduire la circulation des véhicules et l’émission de gaz à effet de serre. Non seulement la mairie, mais aussi divers organismes font la promotion du vélo, ce qui est très bien car c’est un moyen de transport écologique », précise-t-il.
La Brésilienne Rebeca vit à Grenoble depuis 2016 et fait une comparaison entre la ville française et d’autres au Brésil. « C’est très facile de trouver la nature ici à Grenoble. Par exemple, quand j’habitais près du centre-ville, je marchais un peu et j’étais déjà près de la rivière, au contact des arbres. Cette proximité avec la montagne incite à un comportement écologique de la population », dit-il.
A côté d’elle, son ami Thierry, Brésilien et ancien habitant de Grenoble, pense que « la ville a une vocation verte, accompagnée d’actions de la mairie et de la population en faveur de l’environnement ». Il pointe, par exemple, la possibilité pour les habitants d’apporter leurs idées aux autorités locales pour le développement d’initiatives écologiques.
C’est le cas de Sicklo, une coopérative de livraison de vélos fondée en 2019. « Notre service est écologique car tous les livreurs se déplacent à vélo, sans assistance électrique. Ce sont des vélos classiques. Le modèle que nous utilisons aujourd’hui est d’une marque danoise et avec eux nous pouvons transporter jusqu’à 70 kilos de marchandises, nous travaillons donc à la force de nos jambes, en nous engageant également dans un service écologique et éthique. Notre slogan est « livraisons locales et éthiques », explique Fredo, co-fondateur et livreur chez .
Comme la coopérative, des dizaines d’autres entrepreneurs de la ville sont impliqués dans le programme Capital Verde 2022. La ville a également un programme culturel intensif et favorisera des colloques, des forums, des débats et des activités axées sur la transition écologique jusqu’à la fin de cette année. .
Grenoble ne mérite pas ce titre, selon les écologistes locaux
Néanmoins, les ONG et associations estiment nécessaire d’aller plus loin. C’est l’une des revendications du collectif Grenoble Citoyens pour le Climat, qui mène des manifestations environnementales locales.
« On pense que Grenoble est une ville où il y a des choses intéressantes d’un point de vue climatique et environnemental. Mais le niveau d’effort mis ici ne justifie sans doute pas ce genre de sceau qui sert d’auto-éloge », en face de cette publicité de Grenoble comme capitale verte de l’Europe, il faut dénoncer », a déclaré Valentin, membre du collectif.
Justine, également membre de l’association, cite en exemple le prolongement controversé de l’autoroute A480, qui déplaît à une partie de la population et enrage les militants écologistes. « L’incohérence, c’est de vouloir construire des pistes cyclables et d’étendre des routes en même temps. Cette autoroute va augmenter le flux de véhicules plutôt que de le réguler. Il y a une dissonance avec ce genre d’action et nous protestons contre cela parce que cela n’a aucun sens, », se défend-il. .
La centrale syndicale Solidaires Isère souligne également qu’une grande partie des actions prévues par la ville dans le cadre du programme Grenoble Capitale Verte se concentrent dans les quartiers les plus riches de la ville, laissant les populations défavorisées en marge des événements et projets verts.
« Les pauvres sont les premières victimes du changement climatique. Malgré cela, rien n’est fait ici au profit des couches sociales inférieures », a déclaré Jean Paul, l’un des porte-parole de Solidaires Isère. « Dans les quartiers nobles de la ville il y a des services publics, des commerces de proximité, des rues piétonnes, mais les quartiers pauvres sont soumis à la désertification des activités publiques et culturelles. Le prolongement de l’autoroute A480 se poursuit sous les fenêtres de ces habitants, dans à l’installation de centres commerciaux », déplore-t-il.
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