Les initiatives diplomatiques du président Macron pour mettre fin à la crise entre l’Ukraine et la Russie lui ont valu les éloges de la critique et les critiques. Alors que certains États membres de l’UE sont sceptiques à l’égard de Paris, il existe peu d’alternatives au leadership français.
Yves Boyer, professeur émérite à l’Ecole Polytechnique
Entre les États, l’intérêt et la méfiance, voire la duplicité, équivaut à la confiance. En 2021, lorsque le président français Macron était au sommet du G7, Washington et Londres prévoyaient d’empêcher la vente de sous-marins français à l’Australie. La confiance avait été violée. Cependant, la coopération militaire franco-américaine reste plus qu’excellente.
La confiance est une question de perception et est précaire sans aucune garantie qu’elle soit bien établie.. il vaut donc mieux s’appuyer sur des réalités objectives. La France occupe à cet égard une position unique en Europe. Il est l’un des premiers instigateurs de l’intégration européenne au profit de certains des États membres actuels, mais aussi de la remise en cause de la confiance qui sera placée en France face à la crise avec la Russie.
Personne en Europe occidentale n’égale la France en matière de dissuasion nucléaire, ce qui confère à Paris des responsabilités particulières vis-à-vis de Moscou. La France ne peut être reléguée au rôle de spectateur passif. Aujourd’hui, et c’est ce qui se passe dans le cas de la crise en Ukraine, certains à Paris déplorent l’importance indue que plusieurs pays d’Europe centrale et orientale accordent aux questions de sécurité. Leur attitude est principalement influencée par les États-Unis, une caractéristique qui domine la crise irakienne depuis 2003.
La confiance est un terme relatif et en tout cas, avec leur idée européenne bien ancrée, on peut faire confiance aux Français pour tracer la voie de l’autonomie stratégique européenne.
Alexandra de Hoop Scheffer, Directrice du Bureau de Paris du German Marshall Fund, États-Unis
La question est de savoir si la France fait ce qu’il faut pour gagner la confiance de ses partenaires européens. La réponse est oui. L’extrême intensité des consultations du président Macron avec les partenaires européens avant la rencontre avec Poutine montre que les initiatives diplomatiques françaises ne sont pas isolées mais coordonnées.
En l’absence d’une politique allemande retentissante, Macron s’impose comme la seule personnalité politique européenne à pouvoir parler sur un pied d’égalité avec le président russe. Sa décision de reprendre les pourparlers à la normande sur le Donbass vise à boucler le processus de négociation bilatérale entre les États-Unis et la Russie et à repositionner les Européens comme acteurs d’une crise qui concerne avant tout leur propre sécurité.
L’accent mis par la France sur une approche européenne est souvent considéré comme sapant l’engagement de l’OTAN et des États-Unis avec l’Europe. Cela sape complètement les ambitions de la France et sous-estime le rôle actif que Paris a joué dans les missions d’assurance du NAO depuis 2016.
La France aborde la crise russo-ukrainienne dans une perspective plus large : la démonstration de puissance de la Russie à travers l’Europe, y compris en Afrique, est considérée par Paris comme une tentative de créer des conditions favorables (pour la Russie) pour refondre l’architecture européenne globale. Macron estime que l’Europe doit être proactive dans la modernisation de certains de ses piliers (le document de Vienne, les forces conventionnelles et l’OTAN).
Macron a posé les bonnes questions, mais il n’a pas la recette. Plutôt que de critiquer les initiatives françaises, les partenaires européens devraient saisir l’opportunité de réfléchir et de développer leurs propres politiques envers la Russie et les questions de sécurité plus larges.
Vous pouvez consulter le texte ici : https://carnegieeurope.eu/strategiceurope/86413
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