Il y a un immeuble de bureaux dans les Alpes françaises, un espace de 26 000 m2 où se retrouvent chaque jour plus de 1 500 collaborateurs. Sur le toit se trouve une mer de panneaux solaires et à proximité se trouvent deux énormes éoliennes – ensemble, elles génèrent toute l’énergie dont le bâtiment a besoin. À l’intérieur, des capteurs et des logiciels optimisent l’éclairage, le chauffage, la ventilation et d’autres activités consommatrices d’énergie afin qu’il n’y ait pas de gaspillage.
Selon la certification LEED, ce nouveau bâtiment est peut-être le meilleur exemple au monde d’efficacité énergétique dans les bâtiments. En fait, il atteint zéro émission nette chaque année et ne consomme qu’un dixième de l’énergie moyenne de ses pairs en Europe.
Si nous voulons prévenir les conséquences désastreuses du changement climatique, il est crucial que davantage de bâtiments adoptent ce type de technologie. Qu’il s’agisse des centres commerciaux où nous faisons nos courses, des maisons où nous vivons, des usines et des bureaux où nous travaillons ou des hôpitaux, des centres de transport et des écoles que nous visitons, les bâtiments sont responsables de 37 % des émissions mondiales de CO2.
Ajoutez à cela la récente augmentation des prix de l’énergie – la plus élevée depuis des décennies – et il est clair que la réduction de la consommation d’énergie grâce à une plus grande efficacité est désormais impérative pour les entreprises, les décideurs politiques et les ménages du monde entier.
La bonne nouvelle est que des technologies permettant de réduire considérablement la consommation des bâtiments existent déjà – et les intégrer dans des bâtiments neufs et existants est logique non seulement d’un point de vue environnemental, mais également d’un point de vue social et financier. Les coûts d’investissement pour décarboner et numériser, par exemple, cet immeuble de bureaux dans les Alpes françaises seront amortis dans les trois à cinq prochaines années. Sans parler des avantages non financiers : investir dans des bâtiments et des villes efficaces et sobres en carbone augmente la résilience énergétique, crée des emplois et améliore la santé et le bien-être de ceux qui y vivent et y travaillent.
Cependant, de nombreux propriétaires, exploitants, entrepreneurs et investisseurs ne sont toujours pas pleinement conscients des nombreuses solutions qui existent déjà, ni de la valeur financière et des rendements qu’ils obtiennent en les intégrant dans les bâtiments.
Le point de départ pour la réalisation de bâtiments bas carbone et intelligents
Tout commence par la décarbonisation et la numérisation de chaque bâtiment.
En matière de décarbonisation, le point d’action le plus évident est d’éviter les combustibles fossiles (par exemple, se chauffer au mazout ou au charbon ou cuisiner au gaz) et passer à des alternatives électriques. L’électricité est non seulement plus efficace (moins de gaspillage d’énergie), mais aussi plus propre (libère moins de carbone).
Mais il faut aussi doter les bâtiments des moyens de produire leur propre énergie propre. Les panneaux solaires et les éoliennes sont des technologies éprouvées dont les coûts ont considérablement chuté ces dernières années et que tout propriétaire ou exploitant de bâtiment peut et doit envisager.
En termes de numérisation, il est possible d’augmenter considérablement l’efficacité énergétique grâce à des capteurs et des systèmes d’automatisation qui garantissent que le chauffage, la ventilation et l’éclairage ne sont activés qu’au moment et à l’endroit où ils sont nécessaires. Oui, l’isolation (comme le double vitrage) améliore l’efficacité énergétique, mais la gestion « active » de l’énergie grâce aux outils numériques est beaucoup plus rentable à long terme.
Les outils numériques aident également les gestionnaires d’immeubles et les habitants à mieux suivre leur consommation d’énergie, avec une vision des changements de comportement des utilisateurs. En mettant en œuvre des systèmes de gestion des bâtiments, ils peuvent utiliser l’énergie plus efficacement et identifier les domaines à améliorer. Les meilleurs résultats sont obtenus lorsque toutes les données, des capteurs aux systèmes de contrôle, sont partagées dans le même pool de données.
Enfin, les jumeaux numériques peuvent aider les constructeurs à optimiser l’efficacité d’un bâtiment, à minimiser les coûts et les déchets de la phase de conception et de construction, puis à tirer parti des avantages de l’efficacité dans les opérations quotidiennes. Dans le cas de cet immeuble de bureaux en France, par exemple, les entrepreneurs ont incorporé un demi-million de variables dans une simulation énergétique initiale pour prédire comment, quoi et où il pourrait être utilisé. Cela leur a permis d’atteindre une efficacité maximale lorsque le bâtiment a été achevé.
Allez au-delà des bâtiments individuels
Cependant, la décarbonisation et la numérisation des bâtiments individuels ne sont qu’une partie de l’histoire. Ce qui est encore plus idéal, c’est quand cela va plus loin – lorsque les capacités de gestion de l’énergie et des ressources des bâtiments sont intégrées dans les écosystèmes pour l’énergie, le transport et la recharge des véhicules électriques. Cela peut contribuer à stabiliser l’approvisionnement énergétique des villes et à accélérer la transition vers le net zéro.
Là aussi, il existe des exemples concrets : un centre logistique exploité par Lidl à Järvenpää, en Finlande, utilise la chaleur captée par ses opérations de réfrigération via un système de gestion de l’énergie, puis la revend au réseau électrique local pour chauffer le quartier voisin.
La transition de la construction est possible – et elle doit se produire maintenant
Les bâtiments durables, résilients et axés sur les personnes ne sont pas des utopies d’un avenir lointain. Ils sont une réalité qui existe ici et maintenant. Le centre logistique de Lidl en Finlande et l’immeuble de bureaux dans les Alpes françaises en sont la preuve.
Pour répondre au double défi du changement climatique et de la hausse des prix de l’énergie, nous devons veiller à ce que cette solution ne fasse pas exception ; ce type de bâtiment devrait se généraliser dans les villes du monde entier. Il ne s’agit plus d’inventer de nouvelles technologies ou de savoir qu’elles existent, il s’agit de les appliquer rapidement.
Jean-Pascal Tricoire, Président-directeur général de Schneider Electric
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